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ADRA

Roman de gare par Régine Vivien

25 Juin 2010 , Rédigé par L'équipe de l'Adra Publié dans #Mots de l'Adra

Bien vrai, Antigone avait vieilli.

Lorsqu’Hémon l’avait vue dans son trou de terre à mourir, il avait pris soin d’avertir deux gardes à lui. Falot il paraissait, en vérité il était rusé. Dès la nuit tombée, les deux gardes postés pour garder la tombe par Créon, mais fidèles secrètement à Hémon, avec l’aide de celui-ci et de celle de Douce –la chienne bien-aimée d’Antigone - avaient déblayé le sol meuble encore. A demi-asphyxiée Antigone avait été rapidement emmenée bien loin de Thèbes. La nourrice était partie avec eux. Il avait fallu toute la patience de la nounou et l’amour d’Hémon pour résister au désir d’Antigone de retourner à Thèbes. Les premiers jours ils avaient dû se relayer pour la surveiller. Sa santé déficiente (car elle avait absorbé trop de poussière) avait un peu entamé son moral et son inflexibilité. Elle réclamait Ismène, n’avait de cesse d’aller enterrer Polynice. Hémon quant à lui, souffrait de n’avoir pas pu embrasser Eurydice, sa mère tendrement aimée.

 

Mais le temps avait passé. Il s’était écoulé sans gloire, ni honneur. Les premières années avaient été consacrées à mettre au point leur clandestinité. Les recherches incessantes de Créon, son irritabilité exacerbée par ce qu’il nommait « la trahison suprême » leur avaient donné des sueurs froides. Par trois fois, des soldats s’étaient approchés de leur retraite de trop près. Ils avaient dû partir, se refaire une existence encore plus loin.

 

Antigone avait aujourd’hui soixante ans. Elle se souvenait avec émotion de la jeune fille noiraude et maigre, vêtue sans recherche, qu’elle avait été. Elle se souvenait de son idéalisme, de son désir de mort –en vérité. Elle avait toujours placé la famille avant tout mais à cette époque c’était avec dureté -avec la dureté du diamant, aujourd’hui la famille elle la voyait plutôt comme la douceur de la pêche au soleil ou la douceur de la joue d’un enfant-

 

Polynice n’avait pas été enterré avec les honneurs. Elle avait bien dû l’admettre. Ce qui l’avait poussé à accepter c’était l’abnégation d’Hémon. Elle avait bien vu comme il souffrait de ne pouvoir serrer Eurydice dans ses bras. Son sacrifice lui serrait la gorge et lui faisait monter des larmes aux yeux. Hémon ne s’était jamais plaint, sa douleur vivait avec lui. Néanmoins il était heureux avec Antigone bien qu’il n’ait pas eu d’enfant avec elle. Elle s’était consacrée à lui rendre la vie douce. La nounou s’en était allée d’une mort paisible et Douce enterrée avec, avait été remplacée par une nouvelle chienne nommée – Clandestine- .

 

Eurydice avait survécu à tout cela, Antigone le savait. Elle avait d’abord voulu mourir car Créon était bien loin de la soutenir, tout à sa désillusion et à son amertume. Mais elle s’était souvenue de la blonde Ismène, éblouissante avec ses boucles et ses rubans. Ismène dépérissait malgré l’assiduité de ses courtisans. Elle avait été abandonnée par ceux qu’elle aimait. Elle papillonnait sans plaisir et ses ailes se cognaient partout. Eurydice l’avait entourée d’un amour de mère. Puis, comme c’est étrange, c’est Ismène qui désobéit à Créon, car jamais elle ne se maria.

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