L'atelier de rentrée par Olivier Hirt
Ce texte a été écrit lors d’un des premiers ateliers d'écriture de cette année.
Le thème en était l’énumération, et le support, un extrait du poème de J.F. Temple « Merry-go-on ». Faire le portrait d’un personnage en s’appuyant sur ce que contient son sac, sa valise, son esprit… Mais ce texte restitue avant tout, avec charme, cet état particulier qui précède l’acte d’écrire. Disponibilité, anxiété… Merci Olivier.
L'atelier de rentrée
Il y a d'abord l'hésitation
Heureusement quand la tête piétine
Ce sont les pas qui parlent
Et le cœur qui guide
Il y a d'abord le désir,
Cette envie qui remue tout entier
De la tête aux pieds
De la curiosité au rire.
Sur mon dos... un sac
Préparé à la va-vite le matin même
Trousse de toilette "Le Quinze",
Que ma mère m'avait offerte ... à 15 ans.
La revue, XXI, et puis ce clavier,
Tout petit, tout en aluminium,
Dans son carton qui sent l'électronique
Ça ne manquera pas de faire jazzer.
Quand le boulot est terminé,
Que les jambes endolories
Par les derniers efforts de grimpe
Sur les falaises du week-end
Il arrive un temps où il reste du temps
Regarder les passants, assis sur un banc
Demoiselle en chemisier rouge,
Etoile filante sur sa bicyclette,
A toute vitesse dans l'allée.
Dans les mains, XXI ouverte
A la page 69... Elisabeth Badinter.
Le temps avance encore un peu
Et je reste là, dans ce décor gréco-romain
Quartier Antigone, l'atelier.
C'est l'heure.
J'emprunte un passage
Jusqu'alors inconnu.
La porte est ouverte
Rien a changé... tout a changé.
L'odeur est toujours la même,
Comme ces salles de classes
Où les enfants s'expriment
A grand coup de pinceau.
J'inspire et je plonge
Dans les souvenirs des ateliers
Dans les souvenirs de mes salles de classe.
Ici pas de tableau, ni de maitresse.
Juste des tables et des chaises
Toutes dépareillées,
Réunies au centre de la pièce.
Aux murs, la peinture rose
S'étend comme une guimauve
J'inspire encore
Et cette odeur ne me lâche pas.
Vieux bureau en bois, papier un peu humide,
La table en chaine massif,
Sur laquelle mon père
Travaillait tard le soir.
L'odeur des vieilles bibliothèques.
Passé la porte c'est l'accueil d'un grand sourire
Singulier... radieux,
Rencontre sans cesse renouvelée.
Les ordinateurs et les papiers s'étalent
Les corps s'assoient et s'apaisent
Mille et une lignes d'écriture
Pour mille et un personnages
Ici les mots ne se déposent pas,
Ils s'appellent et se répondent.
Arroseur arrosé, ils se jouent de nous.
Jaillissent les couleurs et les lumières,
Les rires et les larmes et tout le théâtre de la vie.
Ici sont nés Charlotte et Franck, Jessica, Jeff, Thomas et Thalaunius, ...
Cliquetis des claviers et regards concentrés,
Silences amusés des yeux au plafond,
Heureusement quand la tête piétine,
Ce sont les doigts qui écrivent.
Olivier Hirt, septembre 2012